DIES ACADEMICUS 1993
23 octobre 1993
LIBRAIRIE PAYOT
LiBRAIRIE DE L'UNIVERSITÉ
LAUSANNE 994
DISCOURS DE M.
PIERRE DUCREY,
RECTEUR DE L'UNIVERSITÉ
L'an dernier, nous lancions ici même un vibrant appel à l'adhésion de la
Suisse à l'Espace Economique Européen. Cette prise de position de caractère
politique était inhabituelle. Elle nous a d'ailleurs valu quelques
remarques critiques. Les propos que le recteur de l'Université tiendra
aujourd'hui se situeront aussi dans le domaine de la politique, mais plus
strictement dans celui de la politique universitaire qui, comme chacun le
sait, ne doit pas se confondre avec la politique partisane, la politique tout
court. Je dis souvent aux personnes qui me demandent si j'appartiens à un
parti que mon parti est l'Université. Cette profession de foi nous conduit à
prendre parfois des positions publiques pour marquer notre désaccord,
comme par exemple lorsque le Conseil d'Etat décide de suspendre la publication
du périodique de l'Université, UNILausanne. Mais de telles prises de
position, pour politiques qu'elles soient, n'impliquent aucune orientation,
de gauche, de droite ou du centre.
Si donc nous parlons aujourd'hui de «politique universitaire», c'est pour
rappeler les deux missions principales de l'Université: l'enseignement et la
recherche. L'Université crée et approfondit le savoir par sa recherche; elle
le transmet par l'enseignement.
Mais il faut souligner que le cadre social et économique dans lequel elle
exerce son activité s'est profondément modifié. Au nombre des changements
les plus frappants survenus depuis la Seconde Guerre mondiale, on
peut retenir:
- l'accroissement vertigineux du nombre des étudiants,
- l'extension également vertigineuse des connaissances et des techniques,
-l'explosion des coûts liés à ces deux phénomènes,
- les exigences croissantes de la société vis-à-vis de l'Université.
Parmi tous ces changements, celui qui pose aux universités les problèmes
les plus nouveaux et les plus aigus est l'augmentation galopante du nombre
des étudiants. Un problème pédagogique d'abord: comment assurer aux
étudiants un enseignement de qualité dans des conditions favorables? Lié à
ce problème se posent celui de l'accès aux études universitaires et celui des
débouchés professionnels des diplônés dans un marché du travail en brutale
contraction.
Que nous le voulions ou non, nous sommes ramenés à des questions économiques
et politiques.
Il est utile de redire ici que l'Université de Lausanne est hostile au numerus
clausus et qu'elle fera l'impossible pour que cette mesure soit appliquée
avec la plus grande retenue. Nous connaissons aujourd'hui deux exceptions,
deux seulement, celle de l'Institut de police scientifique et de criminologie
et celle de la Faculté de médecine. Le premier cas, tout à fait
momentané, est purement lausannois, le second est en passe de règlement
sur le plan national.
Sur le plan matériel, les possibilités d'accueil à l'Université de Lausanne
restent suffisantes. Bibliothèques, laboratoires et auditoires peuvent encore
accueillir les effectifs actuels. Sur le plan de l'encadrement, la situation est
évidemment moins réjouissante. particulièrement en sciences humaines.
En matière de pédagogie, on évoque volontiers de nos jours des moyens
nouveaux comme l'enseignement à distance, la retransmission des cours
par câble, par vidéodisque, voire par satellite. «Le professeur ne communique
pas, il professe», disait récemment dans le cadre du séminaire de
réflexion des doyens de l'Université le professeur Daniel Hameline, de
l'Université de Genève. S'adresser à de grands auditoires est sans doute
possible. La difficulté réside dans l'interaction directe entre les étudiants et
les enseignants: car comment suivre individuellement des étudiants, si
ceux-ci se chiffrent par centaines? Et comment leur organiser des travaux
pratiques, que ce soit en Droit, en Lettres ou en Sciences sociales et politiques,
si les étudiants sont au nombre de cent par séminaire?
Et pourtant, notre conviction reste entière: l'Université appartient à tous;
son accès, puis des études de bonne qualité doivent rester offerts à chacun.
A ce propos. je répète que la modique adaptation des finances de cours
introduite cet automne ne devrait en aucun cas empêcher quiconque de
s'inscrire à l'Université. Nos services sociaux sont à la disposition pour
aider celles et ceux des étudiantes ou étudiants pour lesquels la taxe de
cours serait réellement inabordable.
Rappelons encore deux réflexions, pour ne pas dire deux réflexes, qui
sous-tendent notre action: la mise en commun des ressources par le renforcement
de la collaboration romande et suisse: la nécessité d'opérer des
choix, en application du principe que l'on ne saurait être excellent en toutes
choses.
Les universités sont prêtes à appliquer ces principes, tout en rappelant
aux milieux politiques que les économies à attendre de ces mesures ne
seront que marginales. L'intensification de la collaboration interuniversitaire,
pour souhaitable qu'elle soit, n'apportera aucun remède miracle à l'évolution
du coût de la formation universitaire. Elle ne pourra que contenir
l'accroissement des budgets et apporter une meilleure répartition des efforts
financiers.
Nous terminerons ces brèves réflexions par l'évocation de la tâche des
acteurs principaux de l'Université, soit les professeurs, les assistants, le
corps intermédiaire, d'une part, et les étudiants de l'autre, avec le soutien
du corps administratif et technique. Nous nous réjouissons à l'idée que,
sous peu, la participation de tous à la marche de l'Université sera assurée
de manière plus harmonieuse et satisfaisante, grâce à l'entrée en vigueur de
la nouvelle Loi sur l'Université de Lausanne.
Pour l'heure, les uns comme les autres doivent consacrer toutes leurs
forces à une marche harmonieuse de l'institution. En ces temps de difficulté
économique et de chômage, on comprendrait mal que les membres du corps
enseignant ne se vouent pas totalement à leur tâche, qui est d'enseigner et
de former. Après tout, existe-t-il une ambition plus noble que de transmettre
et de recevoir la connaissance? Et cela dans les cadres si privilégiés
de Dorigny ou des hauts de Lausanne? Le Rectorat, pour sa part, fera
l'impossible pour qu'enseignants, collaborateurs et étudiants trouvent
durant l'année académique qui s'ouvre aujourd'hui les conditions de travail
les plus favorables.