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ALLOCUTION DU RECTEUR

M. le professeur Jaques COURVOISIER
A LA SÉANCE DU DIES ACADEMICUS
le 2 juin 1960
MM.

EN ce début de juin 1960, nos pensées se reportent aux jours ensoleillés d'il y a une année où l'Université, entourée de ses hôtes étrangers et des habitants de la cité où elle a vécu et grandi, célébrait son 400me anniversaire. Certes, il ne faut pas se réfugier dans le passé. Vivre uniquement de souvenirs et en prendre prétexte pour ne pas affronter les problèmes du présent et de l'avenir est chose malsaine. Pourtant, les résolutions prises alors ne doivent pas être oubliées et le magnifique élan de confiance et d'estime dont nous avons été tous témoins doit nous être rappelé de temps en temps pour nous exhorter à tenir les promesses qu'intérieurement nous fîmes alors. Tout d'ailleurs n'est pas fini. Vous avez pu lire sur le programme que tout à l'heure, le montant de la souscription effectuée en vue de notre jubilé allait nous être remis. Je suis heureux de vous annoncer que, dans quelque temps, le volume des Actes du IVe centenaire, que M. le professeur Paul Geisendorf est en train de constituer, et qui sera illustré de photographies des diverses cérémonies, sera mis en souscription, puis en vente. Enfin, dans le courant du mois de juin, le «Dyscolos», de Ménandre, dans le texte joué il y a un an, sera publié et orné lui aussi d'illustrations.

Comme à l'accoutumée, en ce Dies Academicus, le Recteur va faire un tour d'horizon, rappelant quelques faits de l'année écoulée, et énoncer quelques-uns des problèmes devant lesquels l'Université se trouve. Vous ne lui en voudrez pas s'il ne donne pas à ce rapport un aspect aussi complet que ses prédécesseurs au cours des années passées. Le temps ne le lui permet guère et, le rapport administratif devant être imprimé, on pourra s'y reporter.

Nous avons eu le grand regret de perdre, depuis notre séance de rentrée, Gottfried Bohnenblust, professeur honoraire, qui fut

en son temps professeur de langue et littérature allemandes et qui, on le sait, illustra notre maison, tant par le rayonnement de sa belle personnalité que par la qualité de son enseignement. Parmi nos docteurs honoris causa nous avons eu aussi à déplorer le décès de MM. Balthazar van der Pol, Max Huber, François Geny, Cornelis Jan Bakker, sir Hersch Lauterpacht.

Une seule démission a été enregistrée parmi les professeurs ordinaires, celle de M. Auguste Lemaître qui, après plus de trente ans d'enseignement à la Faculté de théologie, quitte nos rangs. Sa nomination comme professeur honoraire nous assure, et comment pourrait-il en être autrement, qu'il reste des nôtres.

Par contre, un certain nombre de nominations — et je ne cite que celles des professeurs ordinaires et extraordinaires — sont venues enrichir notre corps professoral. Ce sont celles de MM. Joseph Maria Jauch, comme professeur ordinaire de physique théorique; Georges de Morsier, professeur ordinaire de neurologie; Jean-Jacques Mozer, professeur ordinaire de clinique médicale propédeutique; Paul Rossier, professeur extraordinaire de mathématiques générales; Pierre Duchosal, professeur ordinaire de cardiologie; Alexandre Muller, professeur extraordinaire de physiopathologie clinique; Jacques de Senarclens et Gabriel Widmer, tous deux professeurs extraordinaires de théologie systématique.

Des dons ont été faits à l'Université; je cite parmi eux une collection d'échantillons de minerais d'uranium et de thorium provenant des gisements de Witwatersrand, remise par le ministre de l'Union de l'Afrique du Sud à Berne: un témoignage parmi d'autres de l'estime que notre maison a su s'acquérir au-delà de nos frontières.

Deux autres dons de 42.000 francs et de $ 2500 en faveur de recherches dans le domaine de la génétique humaine, ont été faits par la Fondation Rockefeller. Et je ne cite pas l'aide qui continue à nous venir, en vue de buts particuliers, des fondations Ford et Rockefeller ainsi que du Fonds national suisse de la recherche scientifique.

L'Université grandit. Si nous avons passé l'an dernier le cap des 3000 étudiants, nous en comptons maintenant environ 3600 saris parler des auditeurs. Cette croissance nous pose des questions souvent angoissantes et qui sont de deux ordres. Tout d'abord au point de vue des locaux. Faute d'avoir assez de place, nous avons été obligés, en médecine et en sciences notamment, de hausser le niveau du minimum de points exigés,

à l'examen de fin d'études secondaires passés dans certains pays étrangers, pour l'immatriculation. La chose n'est pas mauvaise en soi, bien au contraire. Mais le problème demeure. Il y a deux sortes d'étudiants: ceux qui travaillent au minimum pour passer leurs examens universitaires et ceux pour qui la nécessité de se cultiver afin d'affronter avec le maximum de succès ce redoutable examen qu'est la vie passe au premier plan. Nous nous devons de favoriser ces derniers, fut-ce aux dépens des premiers. Une université vit dans la seule mesure où elle vise à la qualité et non à la quantité. Il est banal de le dire mais il faut le répéter. Certes, nous trouvons de la compréhension auprès de nos autorités dans cette question lancinante des locaux. Tout dernièrement, nous avons eu enfin l'assurance que les bâtiments dits des isotopes seraient construits, que toute la place disponible dans les combles de ce bâtiment va être bientôt aménagée, et que dans un avenir que nous espérons proche, l'aile du Museum d'histoire naturelle sera mise à la disposition des facultés de sciences dites morales. Mais le problème des locaux n'est qu'un aspect d'un problème plus général.

Si l'on songe au développement des sciences exactes et à l'équipement toujours plus coûteux qu'elles exigent. Si l'on admet que le nombre des étudiants ira toujours en croissant, et c'est une bonne chose. Si l'on songe par ailleurs à la mission que nous avons vis-à-vis de pays étrangers qui nous envoient leurs ressortissants pour qu'ils reçoivent une formation que ces pays ne sauraient leur donner, on se rendra compte qu'il est urgent de faire un bilan de nos possibilités afin d'en assurer la meilleure utilisation possible. Car l'importance numérique et les possibilités de la population genevoise sont de moins en moins à l'échelle de nos responsabilités universitaires. Nous avouons avoir salué avec satisfaction la motion récemment faite par le Conseiller national Weibel prévoyant l'appui de la Confédération pour les universités cantonales qui seront toujours moins en mesure de faire face à leurs obligations. Cette motion faisait écho à bien d'autres voix, notamment celles de MM. Gaston Clottu, président du Conseil national, Olivier Reverdin, professeur à notre Université et François Clerc, mon collègue de Neuchâtel, qui pense avec raison que, de leur côté, les universités suisses — et en particulier les universités romandes — se doivent de marcher à la rencontre les unes des autres en vue d'harmoniser leurs programmes et d'éviter un gaspillage de forces encore trop considérable. Refuser, pour les universités.

de se partager les domaines de la recherche, non seulement dans les sciences exactes mais aussi dans les sciences morales, c'est prendre vis-à-vis de l'avenir une grave responsabilité et probablement attirer sur nous un jour plus proche que nous ne le croyons un jugement sévère de nos descendants. Il n'est tout de même pas inconcevable que nos universités puissent beaucoup plus fréquemment faire des échanges de professeurs et profiter les unes et les autres des ressources des unes et des autres. Les C.F.F. ont quand même de bons trains qu'on pourrait utiliser! Certes, c'est une bonne chose que chaque université ait sa tradition spécifique mais quand l'esprit cantonal dégénère en «Kantonligeist», et que les universités se laissent aller à une rivalité de mauvais aloi, il y a un danger mortel auquel il est grand temps de parer. D'autant que ce qui se passe à l'étranger nous montre qu'on y comprend ce que nous avons trop de peine à saisir. Je vous étonnerai peut-être en vous disant qu'il y a actuellement entre les universités françaises et allemandes des liens et une collaboration que je ne trouve pas entre les universités suisses!

Quant à notre mission vis-à-vis des pays qui accèdent ou viennent d'accéder à l'indépendance, nous ne saurions y renoncer sans être infidèles à nous-mêmes. La difficulté réside dans le fait que, bien souvent, les étudiants qu'ils nous envoient sont insuffisamment préparés et n'ont pas toujours, tant s'en faut, une connaissance suffisante de notre langue pour pouvoir profiter, fût-ce au minimum, de l'enseignement qu'ils reçoivent à Genève. Nous avons donc fait des démarches auprès du Département politique fédéral afin de faire organiser dans nos consulats, légations ou ambassades, des examens dont nous fournirions la matière, et qui, déjà, nous permettraient de filtrer nos futurs candidats dans leur pays d'origine, nous réservant, une fois qu'ils sont ici, de leur faire passer si nécessaire, une année préparatoire de culture générale afin qu'ils atteignent autant que possible le niveau de nos études. Nous espérons réaliser cette réforme, si partielle soit-elle, dans un proche avenir. Mais ceci n'est qu'un début car notre responsabilité vis-à-vis des étudiants étrangers ne saurait excéder nos capacités de les recevoir et de les instruire. Le professeur Welbourne, de Cambridge, chargé l'an dernier avec l'un de ses collègues danois d'une enquête auprès des universités suisses, pour le compte de l'Organisation européenne de coopération économique, écrivait ces lignes pénétrantes que je crois devoir vous citer:

«Une des caractéristiques les plus frappantes des universités suisses est la proportion très élevée des étudiants étrangers qui les fréquentent. Nous estimons qu'il serait bon d'attirer l'attention sur le service international extrêmement utile que rend la Suisse en admettant un si grand nombre d'étudiants étrangers, et en les subventionnant indirectement par les facilités matérielles qui leur sont fournies sur les fonds fédéraux et cantonaux. Nous estimons aussi qu'il n'est que juste d'attirer l'attention sur la grande proportion d'échecs parmi ces étudiants au cours de leurs premières années à l'université, et sur la charge que représente cette foule d'étudiants médiocres au cours des deux premières années d'études pour le personnel enseignant et les facultés des universités. Nous nous demandons si on s'occupe assez de mettre au point des examens d'entrée adaptés à de tels étudiants en ce qui concerne à la fois leurs connaissances universitaires et leurs aptitudes intellectuelles et affectives à des études supérieures. Un allégement de cette charge donnerait automatiquement plus de place pour les étudiants suisses et permettrait à leurs professeurs de consacrer plus de temps à leur formation. Nous ne suggérons pas que l'on doive réduire les possibilités d'admission des étudiants étrangers d'un niveau suffisant, mais nous pensons que le problème de la sélection devrait être étudié plus attentivement afin d'éviter de dépenser tant d'efforts sans profit, ni pour les étudiants, ni pour les universités.»

Nous devons être attentifs à cet avis d'un professeur étranger, de surcroît un fidèle ami de la Suisse.

Je pense, Mesdames et Messieurs, que vous seriez étonnés si je n'abordais pas maintenant le problème de la Cité universitaire. La collecte du IVe centenaire lui est attribuée en partie et grâce à l'appoint substantiel que, dès le début, l'Etat et la Ville ont consenti, nous espérons qu'elle pourra bientôt être mise en chantier. C'est avec une réelle peine que nous avons constaté les incompréhensions auxquelles ce projet avait donné lieu dans certains milieux, mais force m'est de constater qu'il y a encore des résistances à vaincre à cet égard. Plût à Dieu qu'au lieu de vaincre, nous puissions, ce qui serait beaucoup mieux, convaincre ceux qu'une information incomplète rend encore réticents à nos projets.

Il faut avoir constaté ce qu'il faut bien appeler la chasse au logement des étudiants nouvellement arrivés pour être déjà convaincu qu'une cité universitaire est indispensable. Nous

avons des témoignages nombreux nous prouvant que la rareté des chambres offertes aux étudiants a eu pour résultat que certains, de guerre lasse, ont été poursuivre leurs études dans d'autres universités suisses, que d'autres ont dû passer par des intermédiaires touchant de fortes commissions pour se loger, que d'autres enfin ont été obligés, vu la rareté de l'offre, d'en passer par les conditions trop onéreuses de certains logeurs. Comme les bourses ou pensions dont ils disposent ne peuvent souvent y suffire normalement, c'est sur la nourriture qu'ils se rattrapent. Or, sans être difficile sur ce point, il est clair que des organismes de vingt ans ont besoin d'une nourriture suffisante pour que le travail intellectuel puisse s'effectuer lui aussi d'une manière suffisante. La cité universitaire résoudra-t-elle ce problème? Pas à elle seule, mais en mettant sur le marché quelque 400 chambres, elle contribuera sans doute à ramener un équilibre trop gravement compromis à l'heure actuelle.

Ajoutons à cela le fait que telle qu'elle est conçue, cette cité sera un centre qui permettra d'un côté à nos concitoyens trop petitement logés dans leurs familles de l'être dans des conditions plus favorables à leur travail, et d'un autre côté une assimilation plus facile de l'étudiant confédéré ou étranger à la vie genevoise. Il n'est pas question, en effet, de la construire au bénéfice des seuls étrangers, mais bien des Suisses et des étrangers. Lieu de rencontre entre eux, elle devrait comporter, à mon sens, au moins une moitié d'étudiants nationaux, de telle sorte que, faisant meilleure connaissance les uns avec les autres, ils soient ensemble dans un milieu où, l'étude et la distraction alternant, ils aient la possibilité d'effectuer leur séjour dans un cadre qui, quoiqu'on puisse en penser, serait plus favorable au développement intellectuel et au développement de la personnalité au meilleur sens du terme qu'à une immoralité éventuelle qui, et cela n'est pas éventuel, peut à coup sûr se développer et exercer des ravages sans cité universitaire et à mon sens plus sûrement sans cité qu'avec elle.

Je voudrais, encore ici, citer le professeur Welbourne et constater avec lui le retard que notre pays a acquis dans ce domaine:

«Nous avons constaté avec surprise, écrit-il, qu'il existe très peu de foyers (quartiers résidentiels) pour les étudiants et à notre avis, c'est une lacune grave dans le système d'enseignement, car nous estimons que ces foyers peuvent présenter une grande valeur éducative s'ils sont convenablement gérés et organisés, de manière à établir des contacts plus suivis entre

les étudiants des différentes facultés» et on pourrait ajouter: des différents pays.

Puissions-nous méditer avec profit ce jugement d'un éminent collègue étranger et ne pas simplement répondre, c'est trop facile: Genève n'est pas l'Amérique, ou pas l'Angleterre, ou pas la France, car les conditions de travail sont les mêmes partout. Au reste, le bon exemple nous est déjà donné. Récemment, nous inaugurions le début d'une construction due à la générosité des héritiers de Simon Patino et destinée à abriter 30 étudiants de l'Université de Genève, boliviens ou ressortissants de l'Amérique latine; et demain, c'est-à-dire à la rentrée d'octobre, le Centre universitaire protestant, dû à l'esprit d'entreprise de l'aumônier protestant, le pasteur Gilliéron, ouvrira ses portes et comportera des chambres pour 50 étudiants. Puissent ces réalisations être un stimulant pour l'érection de notre cité universitaire.

Pourquoi donc ce malaise auprès de certains, à son propos? Ne serait-ce pas que les relations entre l'Université et la cité en général devraient être améliorées? Nous le pensons pour notre part, et nous savons que dans bien des cercles extérieurs à notre maison, on le pense aussi. Sans doute, l'Université ne vit pas en vase hermétiquement clos: la Société académique à qui nous sommes redevables de tant de bonnes choses, et l'Association des anciens étudiants qui se développe d'une façon encourageante, constituent déjà des liens avec la cité, mais nous savons aussi qu'extérieurement à l'Université, on se préoccupe de sa situation et qu'on se demande si elle est bien appropriée à sa tâche. Des groupes d'études se sont formés et ont déjà fait un travail d'enquête approfondi auprès d'autres universités de Suisse et de l'étranger. Par ailleurs, nous croyons savoir que nos autorités souhaiteraient une amélioration de nos relations avec elles par une organisation mieux adaptés aux exigences du temps. Notre chef du Département de l'Instruction publique ne faisait-il pas remarquer dans cette même aula, il y a un peu plus d'une année que « la continuité et l'efficacité de l'activité de l'exécutif sont... les meilleurs garants du respect de l'autonomie de l'Université» et que «l'organisation universitaire, si elle est respectueuse des individualités, paraît quelquefois débordée par les événements et les responsabilités». Or «la continuité de son effort n'est pas entièrement assurée» puisque «le recteur est élu pour deux ans». M. Alfred Borel, un peu plus loin, constatait que «pour la période de 1939 à 1959, nous

comptons onze recteurs» et que «pendant le même temps, ce ne sont que trois magistrats qui se sont succédé à la tête du Département de l'Instruction publique et à peine deux à la tête du Département des finances». Rassurez-vous, Mesdames et Messieurs, je ne songe pas ici à préconiser, toutes choses restant égales, la prolongation du mandat du recteur, mais il serait tout aussi faux de prétendre que tout va pour le mieux dans la meilleure des universités. Nous avons à nous pencher sur le problème de la continuité dans la direction de l'Université, problème qui, nous en sommes convaincus, touche de plus près qu'on ne le croit celui des relations améliorées avec la cité. Dans cette intention, le Bureau du Sénat a mis au travail une commission ad hoc au sein de laquelle ces questions ont fait l'objet d'un travail approfondi. Nous avons bon espoir, sinon d'avoir trouvé la solution, au moins de nous être mis en marche d'une manière ferme sur le chemin qui y conduit. Il est un peu prématuré de parler aujourd'hui de ce qui a été envisagé, mais ce sera, j'en ai l'assurance, la tâche de mon successeur dans un bref avenir.

J'aurais aimé dire à M. le Président du Département de l'Instruction publique la gratitude de l'Université pour la compréhension et la sympathie qu'elle trouve auprès de lui. Je l'aurais prié d'être mon interprète auprès du Conseil d'Etat et de lui exprimer notre reconnaissance. Certes, au cours des mois où nous sommes, les uns et les autres, appelés à nous pencher sur les mêmes questions, les points de vue peuvent différer; il n'en reste pas moins qu'en les envisageant de part et d'autre avec bonne volonté, on parvient au but. Cette bonne volonté, je l'ai toujours trouvée chez M. Alfred Borel et puis dire que si, car c'est le cas, je garde un magnifique souvenir de ces deux dernières années, il y est pour beaucoup.

Je voudrais aussi exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui, avec un amour inlassable pour notre haute école, ont été mes collaborateurs et mes amis tant au Bureau du Sénat et au Sénat que dans l'administration de notre maison. A ceux qui vont quitter le Bureau du Sénat comme à ceux qui vont y rester, je voudrais dire combien le travail m'a paru agréable, et je dirais presque léger en leur compagnie, et combien aussi j'ai puisé dans leur fidèle amitié les forces dont j'avais besoin. Quant à vous, chers membres de l'administration, quelque soit le poste que vous occupez, je ne vous ai jamais croisés et je n'ai jamais eu affaire à vous sans que votre physionomie se

soit éclairée d'un sourire et cela m'a toujours été un réconfort. Vous ne m'en voudrez pas si, ne vous citant pas tous par vos noms, je dise un grand merci à notre cher secrétaire, M. Blanc; je le charge de vous le transmettre à tous. Il faut que vous sachiez, vous aussi, que cela a été une joie pour moi de travailler avec vous et que si, notamment, le IVe centenaire a été une réussite, on vous le doit pour une très grande part.

Le prochain Bureau du Sénat sera composé des professeurs Eric Martin, recteur; Jean Graven, vice-recteur; Jacques L'Huillier, secrétaire du Sénat; Bernard Susz, doyen de la Faculté des sciences; René Schaerer, doyen de la Faculté des lettres; Claudius Terrier, doyen de la Faculté des sciences économiques et sociales; Alexandre Berenstein, doyen de la Faculté de droit; Robert Montant, doyen de la Faculté de médecine, et Franz Leenhardt, doyen de la Faculté de théologie. En lui disant mes voeux pour sa future activité, je voudrais dire aussi à MM. les doyens Chodat et Collart qui le quittent combien nous les remercions de tout ce qu'ils ont donné non seulement à leurs facultés respectives mais également à tous leurs collègues du Bureau du Sénat. Les fonctions changent mais l'amitié demeure.

Il me reste maintenant l'agréable devoir de vous présenter votre nouveau recteur, le professeur Eric Martin. Je le fais avec une parfaite tranquillité d'esprit en pensant à l'avenir. Je le connais de longue date et c'est un vieil et fidèle ami. Je sais donc à qui je transmets la responsabilité et le privilège de présider aux destinées de l'Université. J'ai pu constater, depuis qu'il a été doyen de la Faculté de médecine, puis vice-recteur, à quel point l'Université dans son ensemble et son rayonnement lui tient à coeur. Je forme le voeu qu'il trouve au poste qu'il va bientôt occuper, autant de joies que son prédécesseur. Que vos applaudissements lui souhaitent maintenant la bienvenue!

Mon dernier mot sera pour vous, étudiants et étudiantes. Votre trop grand nombre ne m'a pas permis de vous connaître individuellement, et ce n'est souvent qu'au titre de représentants de tel groupe ou de telle société que nos relations se sont bornées. Pourtant je crois que vous serez d'accord avec moi pour constater qu'elles ont été bonnes et que l'atmosphère d'unité qui a régné entre nous, surtout il y a un an, nous laisse à tous le meilleur souvenir.

L'autre jour, vous m'avez accueilli à votre kermesse et j'ai eu un grand regret, celui de n'avoir pu m'arrêter plus longuement

à chacun de vos stands. Je savais que notre Université était cosmopolite, mais j'ai mieux compris que, chacun selon sa tradition et son pays, vous représentiez un enrichissement pour la maison dans son ensemble. Vous avez tenu à m'offrir des souvenirs ou à me faire goûter des spécialités de vos pays respectifs. J'ai non seulement apprécié votre geste, mais aussi la gentillesse avec laquelle vous l'avez tous accompli. Tous vous vous êtes montrés de véritables amis et j'emporterai, dans le souvenir de ce rectorat qui tire à sa fin, la pensée réconfortante de cette affection que vous m'avez témoignée et qui correspond, je vous assure, aux sentiments que j'éprouve pour vous tous.

Faut-il vous exhorter à poursuivre consciencieusement vos études? Oui certes, mais je pense que beaucoup parmi vous en sont convaincus. Pour les autres, je voudrais rappeler que les années passent vite et qu'une fois fini, le temps des études ne revient plus. Que les distractions et les joies de l'amitié vous tiennent bonne compagnie, rien de plus naturel, mais rappelez-vous que ces choses ne seront réelles que si elles sont encadrées par une vie de travail qui leur donneront un goût et une saveur que le paresseux ignore. Nous sommes de ceux qui souhaitent que les études supérieures soient également accessibles à tous ceux qui en sont capables, mais lorsque ce sera vraiment le cas, ceux qui les poursuivront constitueront toujours plus une élite qui devra s'affirmer dans la cité par une tenue digne d'elle. Noblesse obligera toujours, et il faut commencer dès maintenant même dans les petites choses, telles: une tenue décente (je parle aussi bien pour les jeunes gens que pour les jeunes filles), une attitude décente dans les relations réciproques, et ces choses qui semblent petites mais qui en réalité sont si grandes et qui ont nom politesse et courtoisie. Manifestez-les dans toutes les circonstances de la vie, dans vos relations réciproques, dans celles que vous entretenez avec vos aînés, auprès de ceux dont c'est peut-être le métier de vous renseigner mais qui n'en ont pas moins droit à des égards de votre part, dans la rue, dans les trams, dans les familles où vous logez, au téléphone, dans les salles de cours, dans les couloirs de l'Université, et jusque sur les escaliers extérieurs de notre maison qui, comme tout escalier qui se respecte, sont, je me permets de vous le rappeler, plutôt des lieux de passage que des lieux de séjour.

Le moment des examens approche, celui des vacances suivra. Aussi mon dernier mot sera-t-il pour vous les souhaiter bons, les examens comme les vacances.