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ALLOCUTION DU RECTEUR

Monsieur le professeur Antony BABEL
A LA SÉANCE DU DIES ACADEMICUS
le 4 Juin 1954

I

POUR la quatrième fois je me trouve placé devant la tâche de présenter à mes collègues et aux étudiants un rapport sur l'année académique qui s'achève. L'accoutumance ne la rend pas plus facile. Au milieu des innombrables faits, petits et grands, qui marquent la vie de notre Alma mater, lesquels faut-il retenir pour les présenter en séance publique, lesquels laisser au rapport administratif qui constituera la source à laquelle l'historien de notre université pourra puiser?

Mon choix risque d'être entaché d'arbitraire. Je sacrifierai des éléments que je sais être importants. Que ceux qui en seront les victimes veuillent bien me pardonner. Qu'ils se rassurent aussi en pensant que le rapport général n'oubliera rien ni personne.

Sans doute M. Paul-Edmond Martin, qui a bien voulu accepter, après avoir rendu tant de signalés services à l'Université, de préparer le nouveau volume où s'inscrira notre récente histoire académique, serait-il mieux placé que moi pour faire un tri entre l'essentiel et l'accessoire.

Ce volume, auquel M. Martin travaille déjà, prendra la suite de ceux publiés par Charles Borgeaud; il paraîtra en 1959 à l'occasion (lu quatre centième anniversaire de la fondation de l'Académie de Calvin. Nous signalons dès maintenant cette importante manifestation car elle doit être préparée longtemps à l'avance: il n'est pas trop de cinq ans pour lui donner tout l'éclat, intellectuel et extérieur, qu'elle mérite. Les premiers travaux d'approche sont déjà en cours. Une commission sera chargée de les conduire à chef. Elle comprendra, à côté des

délégués de l'Université, des représentants des autorités publiques et de tous les milieux qui s'intéressent à la vie de notre Alma mater.

L'Université a eu le chagrin d'enregistrer la perte d'Ernest ROCHAT, pasteur, docteur en théologie, mort à l'âge de quatre-vingt-six ans. Ernest Rochat a occupé avec beaucoup de distinction, de 1910 à 1935, la chaire d'histoire de la théologie contemporaine. Il a présidé, de 1922 à 1926, comme doyen, aux destinées de sa Faculté. Le Conseil d'Etat lui avait conféré lors de sa démission le titre de professeur honoraire en reconnaissance des services qu'il avait rendus à l'Université. Ernest Rochat laissera à tous ceux qui l'ont connu le meilleur des souvenirs.

Nous avons à déplorer aussi la mort du docteur Georges NUTRITZIANO, ancien privat-docent à la Faculté de médecine.

Nous réitérons à la famille des deux disparus nos sentiments de très vive sympathie.

L'Université a enregistré la démission de M. Charles WERNER qui a atteint la limite d'âge à la fin du semestre d'été dernier. Après deux ans de suppléance, M. Werner a occupé en 1909 la chaire de philosophie et d'histoire de la philosophie qu'avait illustrée son beau-père, le professeur Jean-Jacques Gourd.

Pendant quarante-six ans, il a contribué à former des générations d'étudiants — j'ai le privilège d'en être un — qui ont bénéficié des trésors de son savoir, de la pénétration de sa pensée, de l'élégance de ses exposés, de sa bienveillance et de son exquise courtoisie.

Par sa participation active à de nombreux congrès, par ses innombrables publications qui comptent au moins cinq ouvrages essentiels, M. Charles Werner a fait rayonner au loin l'éclat de notre Alma mater.

Nous n'oublions pas non plus les services qu'il lui a rendus sur un autre plan. Doyen de la Faculté des lettres de 1914 à 1920, Vice-recteur, puis Recteur de 1928 à 1930, ii a apporté la preuve éclatante que le philosophe peut accomplir d'une façon magistrale les besognes administratives en les transcendant sur un plan élevé.

M. Werner a quitté l'enseignement en pleine force, entouré de l'affection de ses collègues et de la reconnaissance de tous ceux qui ont eu le privilège d'être ses élèves. Nous savons bien que ses loisirs seront studieux, occupés à de nouvelles recherches, à de nouvelles méditations dont nous attendons tous avec impatience les fruits. Puisse M. Charles Werner jouir d'une longue et féconde retraite: c'est le voeu que l'Université lui présente en ce jour.

M. Emile BRINER, professeur de chimie théorique et technique, a donné sa démission pour la fin de cette année académique. Je ne veux pas m'arroger les prérogatives de mon successeur à qui il appartiendra de dire, en juin prochain, tous les mérites de notre collègue. Je désire cependant exprimer dès maintenant à M. Briner la reconnaissance de l'Université pour les services qu'il lui a rendus comme délégué du Sénat à l'Office d'entraide. Fondé en 1931, cet office a été pour d'innombrables étudiants un appui incomparable. Or M. Briner, qui y siège depuis sa fondation et en a assumé sans arrêt la présidence, en a précisé les tâches; il lui a donné son impulsion, il a créé ses méthodes et sa tradition. Se rend-on compte du temps que M. Briner lui a sacrifié au cours de ces vingt-trois années de collaboration? Comment mesurer l'appui qu'il a apporté à nos étudiants avec le tact, la compréhension, les qualités humaines qui le caractérisent? Au moment où M. Briner s'apprête à quitter sa chaire, il veut bien accepter de continuer sa collaboration à cet Office d'entraide qui est un peu son oeuvre. L'Université a désiré marquer sa gratitude à M. Briner. Elle n'a pas l'habitude de distribuer des récompenses à ses maîtres qui terminent leur enseignement. Aussi n'est-ce pas au professeur mais bien au fondateur et au président de l'Office d'entraide qu'elle manifeste sa reconnaissance en lui remettant la médaille universitaire.

Nous devons encore signaler deux départs, à 1'Ecole d'architecture, dûs eux aussi à l'inexorable limite d'âge.

M. John TORCAPEL, qui a d'abord enseigné à l'Ecole des beaux-arts, a été appelé à l'Ecole d'architecture, lors de sa création en 1942, pour y diriger l'atelier de première année, direction qu'il a conservée jusqu'en juillet 1953. Ses compétences techniques et artistiques, son tempérament aussi et sa finesse ont fait de lui pour les jeunes élèves architectes un entraîneur et un ami. Son départ de 1'Ecole a été unanimement regretté. Nous sommes heureux de penser que M. Torcapel lui restera cependant attaché puisque le Conseil d'Etat l'a nommé membre

du jury et de la Commission administrative de l'Ecole d'architecture. Il continuera à lui rendre ainsi de signalés services tout en se consacrant à la peinture à laquelle il a toujours voué, avec beaucoup de talent, une partie de son temps.

M. François FOSCA, lui aussi et pour les mêmes raisons, a quitté l'Ecole. Peintre de valeur — la décoration des bas-côtés de l'église de Saint-Pan! de Grange-Canal en est un témoignage éclatant —romancier, critique d'art au jugement aigu à qui l'on doit, outre les articles qu'il publie régulièrement dans plusieurs journaux et revues, d'importants et nombreux ouvrages sur les grands peintres de l'Ecole française et sur l'art en Suisse, M. Fosca a occupé une des chaires d'histoire de l'art de l'Ecole d'architecture depuis sa fondation. Il a contribué, par son remarquable enseignement, à former le goût de ses élèves et à leur donner cette culture générale qui distinguera toujours l'architecte qui s'est plié à la sévère et belle discipline d'une école de ceux qui sont de simples praticiens. M. Fosca, libéré de ses fonctions officielles, continue ses autres activités, faisant profiter ses lecteurs des trésors de son érudition, de son jugement et de son goût.

L'Université exprime ses sentiments d'affectueuse reconnaissance à tous ceux qui viennent de la quitter et leur souhaite une heureuse et féconde retraite.

De nombreuses nominations ont marqué l'année universitaire en cours. Je les rappelle dans leur ordre chronologique.

MM. André Gaillard et Raymond Beverdin ont été nommés professeurs à l'Ecole d'architecture; MM. Jean Rousset et Paul Geisendorf, professeurs extraordinaires à la Faculté des lettres; M. Jean T. Lacour, professeur extraordinaire à la Faculté des sciences économiques et sociales; M. Pierre Bouffard, professeur extraordinaire à la Faculté des lettres; M. André Beerli, professeur à l'Ecole d'architecture; M. Georges Béné, chargé de cours à la Faculté des sciences; M. Charles Fournet, chargé de cours à la Faculté des lettres; M. Claude Grosgurin, professeur à l'Ecole d'architecture. Enfin, M. Edmond Chavaz, docteur en philosophie, a été agrégé comme privat-docent à la Faculté des lettres et M. Jean-Noël Nally, docteur en médecine dentaire, comme privat-docent à l'Institut de médecine dentaire.

Nous présentons à tous ces nouveaux collègues nos sincères félicitations et nous leur redisons tout le plaisir que nous avons eu à les accueillir clans notre Alma mater.

M. le professeur Jean Graven a été chargé de l'élaboration d'un code pénal par l'Empereur d'Ethiopie. Il est remplacé pendant son absence, qui durera deux ans, par M. Georges Foëx, juge à la Cour de cassation, et par M. le professeur Edmond Martin-Achard.

Nombreux sont les professeurs qui ont été appelés à l'étranger par des missions scientifiques ou pour donner des cours et des conférences. Ces activités honorent ceux qui les ont assumées et par contre-coup l'Université à laquelle ils appartiennent.

Deux doctorats honoris causa ont été conférés par l'Université à l'occasion du Dies academicus de l'année dernière: M. René Jaccard a reçu le titre de Docteur en médecine dentaire h.c. et M. Robert Matthey, professeur à l'Université de Lausanne, le doctorat ès sciences h.c. Notre Alma mater a voulu reconnaître les éminents services rendus à la science par MM. Jaccard et Matthey en leur accordant une distinction dont elle n'est pas prodigue. Dans un instant, nous honorerons de la même façon une autre personnalité du monde intellectuel.

Au cours de cette année, l'Université a bénéficié d'importantes libéralités qui faciliteront singulièrement ses travaux et ses recherches ou les études des plus méritants de ses élèves.

Le regretté Marc Birkigt a laissé par testament une somme de 500.000 francs. Les revenus de ce capital, qui sera géré par la Société académique, permettront à de jeunes savants de notre Université de poursuivre leur formation.

Madame Fred Firmenich a fait à la Société académique un don de 100.000 francs en souvenir de son mari, en vue d'aider des étudiants en chimie.

L'Université exprime à la famille de feu Marc Birkigt et à Madame Fred Firmenich et à sa famille sa profonde reconnaissance pour leur magnifique générosité. Qu'elles soient persuadées que nous apprécions à leur haute valeur de tels gestes qui mettent à la disposition de la recherche scientifique et des étudiants avancés des moyens incomparables de travail.

La Fondation Rockefeller, continuant ses libéralités à notre égard, a remis à notre Institut de génétique humaine deux sommes au montant total de 11.500 dollars et à notre Institut de botanique 2.000 dollars. En outre elle a permis à l'Institut de physiologie l'acquisition d'importants instruments.

La maison Seyffer & Co. A.G., à Zurich, a fait un don de 2.500 francs à notre Institut de physique.

Wolfram & Molybdène S.A., à Nyon, a permis l'installation à l'Institut de médecine dentaire d'un appareil pour la diffraction des rayons X.

L'Association des étudiants américains en médecine a mis à la disposition de l'Université en un geste touchant une somme de 500 francs. Elle sera affectée à la Fondation pour la cité universitaire.

Le Dr Vonwiller, de Rheinau, a donné à l'Institut d'anatomie une riche collection de tirés à part et l'Association des musiciens suisses, à Zurich, une nouvelle série de disques pour l'enseignement de la musicologie.

Que tous ces généreux donateurs veuillent bien agréer l'expression réitérée de notre gratitude.

La Société académique, à laquelle l'existence de notre Alma mater est si intimement liée, a poursuivi son action généreuse en faveur des facultés, des instituts, des laboratoires et des cliniques. Nous tenons à mentionner clans ce rapport qu'elle a permis en outre, par une subvention de 5.400 francs, complétant ce que les autorités cantonales nous avaient alloué, d'équiper nos nouvelles salles de cours d'appareils à projection et d'épidiascopes dont beaucoup d'enseignements ne sauraient se passer.

Nous désirons redire à la Société académique, à son comité, et en particulier aux deux présidents qui se sont succédé au cours de cette année universitaire, M. Roger Firmenich et M. Marc Borgeaud, les sentiments de reconnaissance de l'Université tout entière. D'ailleurs l'aide que la Société académique nous a apportée au cours de sa longue activité n'est pas seulement matérielle. Elle a contribué aussi, ce qui est infiniment précieux,

à créer ce climat si favorable dont jouit notre Alma mater dans les milieux genevois les pius étendus.

Cette reconnaissance va aussi à l'Association des anciens étudiants que préside avec tant d'efficacité M. le professeur Jean Baumann. Elle réunit en un solide faisceau, à Genève, en Suisse et à l'étranger, ceux qui tiennent à garder des liens avec l'université qui les a formés. Cette association voue actuellement ses forces, grâce à une heureuse initiative de M. Baumann, à la création d'une cité universitaire. Nous y reviendrons dans un instant.

Deux de nos facultés ont le privilège de posséder des associations d'étudiants et d'anciens étudiants dont les activités sont fort utiles: celle de la Faculté des lettres est présidée par M. le professeur Jean Artus et celle de la Faculté des sciences économiques et sociales par M. Raymond Racine.

L'Association générale des étudiants, l'A.G.E., a poursuivi sous la direction ferme et précise de son président, M. Jean-Claude Bordier, ses activités traditionnelles. En juin 1953, j'ai exposé quelles étaient ses tâches et comment elles étaient réparties entre ses commissions et ses offices. Le temps dont je dispose ne me permet pas d'y revenir. M. Bordier aura d'ailleurs l'occasion, dans un instant, de rappeler l'action si utile, si nécessaire de l'A.G.E. Il me semble que le contact permanent du président et du conseil de l'A.G.E. avec les autorités universitaires est une heureuse application à la vie académique du principe de la cogestion, mais naturellement dans les limites fixées par la raison.

Cette année en particulier, l'Association générale a été appelée à formuler ses désirs, ses propositions concernant l'aménagement du foyer des étudiants. Nous aurons à en redire deux mots.

Jusqu'ici l'A.G.E. était reléguée dans une soupente. L'Université est heureuse de pouvoir mettre dorénavant à sa disposition une salle vaste et confortable où son Conseil pourra siéger, organiser son secrétariat et conserver ses archives.

L'Université est largement tributaire d'institutions qui, indépendantes d'elle, lui fournissent libéralement de précieux moyens de travail. Nous tenons à remercier de leur appui éclairé, MM. Auguste Bouvier, directeur de la Bibliothèque publique et universitaire, Pierre Bouffard, directeur du Musée d'art et d'histoire et Emile Dottrens, directeur du Musée d'histoire naturelle.

Une université moderne serait inconcevable qui se désintéresserait des activités sportives de ses étudiants. Elles sont tombées les vieilles préventions qui opposaient la vie intellectuelle et la pratique des sports. Il n'est pas besoin de remonter aux Grecs pour apporter la preuve de leur compatibilité et même de leur harmonieux accord. Notre Alma mater est heureuse de pouvoir mettre à la disposition de ses étudiants les exercices les plus variés: tous les goûts peuvent être satisfaits. Des compétitions avec leurs camarades d'autres universités sont d'excellentes occasions de nouer d'amicaux contacts. Les visites que viennent d'échanger les équipes de l'Ecole polytechnique de Paris et de notre Société sportive pourraient une fois de plus l'attester.

Soutenu et conseillé par la Commission des sports, M. Jean Brechbuhl a su donner à toute notre organisation le caractère exact qui lui convient.

Notre Université, sous sa forme actuelle, est fondée sur le principe de la neutralité religieuse et idéologique. Cela ne signifie pas qu'elle se désintéresse des problèmes spirituels: ne sont-ils pas d'ailleurs au coeur de tous les débats contemporains? Aussi est-elle très heureuse de voir se poursuivre dans son sein l'activité, dont la discrétion et le tact ne doivent pas voiler l'efficacité, de nos aumôniers, MM. les pasteurs André Biéler et Philippe Gilliéron et M. l'abbé Lucien Mauris.

Année après année, les recteurs se plaisent à chanter la louange de M. Hermann Blanc, secrétaire de l'Université. Et cette louange, parce qu'elle s'applique à des compétences que de

nombreuses générations ont pu apprécier, ne permet guère que des variations dans l'expression de notre gratitude.

Cependant, cette année, deux raisons exceptionnelles lui serviront de support. M. Blanc, avec une patience et une érudition de Bénédictin que beaucoup d'entre nous n'ont pas facilitées par leur zèle à répondre à ses demandes, a mis sur pied le tome XI du Catalogue des publications de l'Université de Genève, instrument précieux pour l'histoire intellectuelle de Genève. En outre, il préside avec une précision et une efficacité que les faits permettront bientôt, croyons-nous, de mesurer, le Comité d'action pour la Cité universitaire qui a été constitué par l'Association des anciens étudiants sous l'égide de son président, le professeur Jean Baumann.

M. Blanc a le privilège — et l'Université avec lui — d'être entouré d'une équipe d'excellents fonctionnaires qui collaborent avec entrain à son travail. L'Université se plaît à reconnaître leur zèle et leur compétence. Elle tient à exprimer ses cordiaux remerciements à M. Jaccard, secrétaire des doyens, à M. Trachsler, caissier-comptable, Mlle Copponex et leur collaborateur, M. Guillermet, à M. Jacquet, secrétaire de l'Ecole d'architecture, à Mlles Charlet, Grosselin, Han, Perret, Ronchi et Vallon, à MM. Berner et Guillaume et à tout le personnel de l'Université.

La tâche du recteur, au milieu des complications de notre temps et dans une phase ascensionnelle de notre Alma mater, n'est pas précisément une sinécure. S'il est arrivé vaille que vaille à faire face à une partie de ses obligations, c'est qu'il a été soutenu par la collaboration et l'amitié de ses collègues du Bureau du Sénat, M. le Vice-recteur de Ziégler, M. Baumann, secrétaire du Sénat, et MM. les doyens Wenger, Collart, Liebeskind, Terrier, Châtillon et Courvoisier. Semaine après semaine, au cours de longues séances dont on aurait tort d'ailleurs de croire qu'elles ne sont qu'administratives, donc ennuyeuses, ils ont étudié tous les problèmes de notre Université et ils leur ont apporté d'heureuses solutions. Le recteur s'excuse auprès de ses collègues de s'être parfois déchargé sur eux, abusant de leur complaisance, d'une partie de ses tâches. Au moment où il s'apprête à quitter ses fonctions, il désire leur réitérer ses sentiments de profonde et d'amicale gratitude.

Jusqu'ici le Sénat s'était un peu trop cantonné dans des besognes administratives dont l'automatisme avait fini par lasser la bonne volonté de beaucoup de nos collègues. Un essai a été tenté pendant ces deux dernières années: ajouter à l'ordre du jour de nos séances un sujet d'intérêt général. C'est ainsi que le problème de la politique à l'Université — faut-il ou non autoriser les étudiants, dans leurs groupements, à discuter les idéologies politiques, économiques et sociales puis celui des articulations entre l'enseignement secondaire et les facultés, leurs ajustements éventuels, ont nourri nos discussions pendant ces deux ans. Le résultat n'en est pas douteux. L'affluence des professeurs à nos dernières séances — l'ancienne salle du Sénat aurait été beaucoup trop exiguë pour les contenir tous — la vivacité de nos discussions prouvent à l'évidence que nous devrons persévérer dans cette voie.

Les journaux ont annoncé que M. le Conseiller d'Etat Albert Picot a décidé de ne pas accepter un renouvellement de son mandat à la fin de la législature actuelle. Après avoir présidé deux autres départements, M. Picot a été chargé de celui de l'Instruction publique. Il a été ainsi pendant neuf ans le grand maître de l'Université. Il serait prématuré, plus de sept mois avant le terme de ses fonctions, de célébrer ses mérites et d'énumérer les services qu'il a rendus à l'Alma mater qui l'a formé. Scrupuleusement respectueux de l'autonomie de l'Université, parce qu'il sait qu'elle est nécessaire à l'accomplissement de sa vocation spirituelle, il a toujours été pour elle le conseiller le plus sûr, le plus avisé, auquel sans cesse les autorités universitaires ont eu recours. M. le Président Picot connaît admirablement les besoins de l'Université. Il est toujours prêt à la défendre devant le Conseil d'Etat, le Grand Conseil ou l'opinion publique. Il le fait avec toute l'autorité que lui confèrent sa haute culture et ses qualités d'humaniste. Je tiens à lui exprimer la reconnaissance de notre Alma mater.

Il n'est que juste d'associer à nos remerciements M. Henri Grandjean, secrétaire général du Département de l'Instruction publique, et M. René Jotterand, secrétaire, auprès de qui l'Université a toujours trouvé un compréhensif accueil.

Une place devrait être accordée dans ce rapport aux activités
de nos facultés, de nos écoles, de nos instituts qui tous jouissent,
au sein de l'Université, d'une large autonomie. Les circonstances
ne me permettent pas de faire un exposé qui pourrait être
riche en enseignements et qui nous ferait entrer au coeur même
de la vie académique. Je ne veux pas non plus procéder à un
choix qui serait nécessairement arbitraire. Force m'est donc de
renvoyer mes auditeurs à la lecture du livre du Dies qui contiendra
toutes les données concernant notre histoire au cours de
cette année.

Arrivé au terme de cette première partie de mon rapport, force m'est bien de constater qu'il constitue un véritable puzzle. Avec encore une circonstance aggravante: un puzzle réussi ne comporte pas de lacune, pas de trou. Le mien en est criblé. Le pire c'est que je les vois et que le temps inexorable m'interdit de terminer l'assemblage qui me permettrait de les combler.

II

Un des phénomènes caractéristiques de notre temps est l'augmentation extraordinairement rapide du nombre des étudiants. Les universités suisses — à l'exclusion de l'Ecole polytechnique fédérale et de l'Université commerciale de St-Gall —comptaient en moyenne 2725 étudiants dans la période de 1890 à 1895. Au semestre d'hiver 1952/53, elles en groupaient 12.462. Le chiffre a presque quintuplé.

Pour Genève les données sont les suivantes: la moyenne de 1890 à 1895 était de 569 étudiants. En 1913/14, l'Université en accueille 1638. Mais la première guerre mondiale a tari une partie des courants étrangers qui alimentaient traditionnellement nos cours. Notre statistique tombe au plus bas en 1922/23 avec 701 étudiants. Mais dès lors elle remonte progressivement pour atteindre au semestre d'hiver dernier son maximum absolu avec 2375 étudiants, à qui s'ajoutent 408 auditeurs, ce qui fait un total de 2783. En outre les cours de vacances ont été fréquentés par 546 personnes. Certes, la structure interne de ces effectifs a beaucoup changé. Aux Russes et aux Balkaniques de la période qui précède la première guerre se sont substitués, dans l'ordre décroissant de leur importance, les contingents des Etats-Unis, de l'Iran, du Proche-Orient, de la Grèce, de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et de la Grande-Bretagne.

Plus de cinquante pays et vingt et un de nos cantons suisses sont représentés dans nos auditoires.

En ce qui concerne les Etats-Unis nous sommes heureux de relever ici la fidélité du Smith College qui continue à nous envoyer un groupe important. Nous tenons à dire à son directeur M. Alan Overstreet, à Madame Overstreet et à Madame Davinroy combien nous avons été heureux de la présence à Genève des étudiantes du Smith College et du travail qu'elles y ont accompli.

Si le recrutement de nos étudiants s'est profondément modifié, un caractère constant de notre université demeure: son cosmopolitisme. Au semestre d'hiver dernier (1953/54), les étudiants genevois ne constituent plus que 18% de nos effectifs en regard de 27% de Confédérés et de 55% d'étrangers.

Le Bureau international des universités a calculé le rapport du nombre (les étrangers et des nationaux étudiant dans les facultés des principaux pays. Ce tableau est fort suggestif. Relevons-en un ou deux éléments.

En Italie il y a dans les facultés un étudiant étranger pour 99,5 étudiants italiens; aux Etats-Unis, un étranger pour 68,5 Américains; dans la République fédérale allemande, un étranger pour 44,9 Allemands; en France, un étranger pour 14,7 Français. La Suisse occupe le sommet de ce tableau avec un étranger pour 2,9 Suisses. Ainsi s'affirme l'attraction exercée par notre pays sur le plan des études supérieures.

Ces mêmes calculs appliqués à notre université genevoise conduisent à des résultats surprenants. Au dernier semestre, nous trouvons un étudiant étranger en face de 0,8 étudiant suisse et genevois et un étranger en face de 0,3 genevois. Il est peu probable qu'il existe dans le monde une université offrant un caractère aussi accusé d'internationalisme. Dans certains milieux européens on étudie le projet de création d'une université mondiale dont le siège serait en Suisse. Nous nous demandons si notre modeste école n'est pas une préfiguration d'une telle institution.

Un peu partout le problème de l'accroissement du nombre des étudiants est discuté dans le monde, suscitant parfois une certaine inquiétude. A l'heure actuelle, quatorze Américains sur mille passent par l'Université alors que la proportion est de deux pour mille en Angleterre pour tomber à 0,8 au Brésil

et 0,1 au Maroc. Nous n'avons pas à faire ici l'exégèse — elle serait intéressante — de ces données.

En Suisse, la proportion est de 3,5 étudiants pour mille habitants. Il est bien évident qu'un pays de très ancienne culture et dont les hauts cadres sont déjà largement dotés a des besoins moins grands que ceux qui sont actuellement en pleine expansion et qui doivent s'adapter à des situations nouvelles.

D'ailleurs la Suisse s'inquiète parfois beaucoup plus d'une pléthore que d'une insuffisance clans le recrutement universitaire. Ceux qui sont formés dans nos facultés, se demande-t-on, pourront-ils trouver la fonction à laquelle ils sont préparés? Des intellectuels sans emploi ne feront-ils pas courir certains risques sociaux au pays? Car rien n'est plus dangereux que des élites désaffectées.

Mais il ne faut pas exagérer ce danger. Peut-être même est-il purement imaginaire. Ne considérons que la Suisse en laissant de côté tous les débouchés que le monde offre à nos jeunes intellectuels. Nous devons bien constater que l'augmentation du chiffre de notre population, notre essor économique, notre position internationale offrent sans cesse à nos étudiants de nouvelles tâches. Les applications de la biologie, de la physique, de la chimie, l'enseignement, les secrétariats, les carrières administratives, le journalisme, la santé publique, les industries, l'économie sous ses formes les plus diverses exigent des collaborateurs toujours plus nombreux, porteurs de diplômes universitaires. Beaucoup de fonctions pour lesquelles jadis on se contentait d'une formation purement empirique requièrent aujourd'hui des hommes ayant une solide préparation scientifique. Et c'est tant mieux!

A une condition cependant: c'est que les limites qu'impose le bon sens ne soient pas transgressées. Il est inutile, il est dangereux même que certains postes qui, visiblement, n'ont aucun caractère intellectuel, soient occupés par des docteurs, des licenciés et même de simples porteurs de baccalauréats et de maturités. Au point de vue humain, l'insatisfaction professionnelle peut assombrir toute une carrière. Sans compter qu'elle peut être un ferment social dangereux.

D'ailleurs nous n'en sommes pas là. La Suisse est loin de son point de saturation en ce qui concerne l'emploi des forces intellectuelles.

Mais le rôle grandissant des élites universitaires comporte d'impérieuses exigences. En particulier celle de leur recrutement. On a souvent discuté le problème de l'admission des étudiants à l'Université. Doit-elle être, pour reprendre l'expression d'un de nos collègues disparus, un entonnoir largement ouvert mais à la sortie très étroite? Autrement dit, doit-elle être accueillante aux arrivants en abaissant ses exigences, mais sévère ensuite dans la sélection qu'elle impose et dans les grades qu'elle distribue?

Ou au contraire, convient-il qu'elle soit stricte déjà dans ses conditions d'immatriculation en refoulant tous ceux qui iie sont pas porteurs d'une maturité, d'un baccalauréat ou d'un titre équivalent?

L'Université de Genève a toujours appliqué cette seconde méthode. Nombreuses sont les demandes d'exception qui lui sont adressées chaque année. Elle les écarte toutes impitoyablement. Et elle a raison. La qualité même de ses études en dépend.

Mais le recrutement des étudiants a un autre aspect. Trop souvent ceux qui ont terminé leur cycle secondaire et se présentent aux facultés le doivent à des conditions de famille favorables. D'autres au contraire, dotés de tous les dons de l'intelligence et de la volonté, ont dû faire face aux dures exigences de la vie et renoncer à des études qu'ils auraient pu poursuivre brillamment. On ne peut se défendre du sentiment que, malgré de nombreuses et heureuses améliorations, la sélection des étudiants se fait encore trop souvent en fonction de la situation financière de leurs familles.

Il serait intéressant de savoir de quelles catégories sociales proviennent les étudiants de notre pays. Malheureusement nous ne disposons pas encore des données qui permettraient de répondre à cette question. Bientôt sans doute sera-ce possible. Une enquête est actuellement en cours, organisée par l'Union Nationale des Etudiants Suisses et par l'Office fédéral de statistique. Lorsque le dépouillement de ses fiches sera terminé, nous connaîtrons les origines familiales et sociales de nos étudiants.

En attendant ces résultats, nous pouvons nous référer aux données que la France nous fournit. Nous le savons bien: les structures sociales des deux pays, leurs conditions de vie, leurs traditions ne sont pas identiques. Il n'empêche que cette comparaison peut nous fournir des éléments qui sont d'autant plus intéressants que la France a fait depuis assez longtemps un louable effort de démocratisation de son enseignement secondaire.

D'une statistique française de 1950 portant sur la provenance des étudiants par catégories sociales, nous retenons quelques chiffres: 17,4% viennent de la classe des carrières libérales, 15,4% de celle des chefs d'entreprise et 28,1 % de celle des fonctionnaires. Mais 1,9 % seulement des étudiants sont des fils d'ouvriers de l'industrie et 0,9% de journaliers agricoles. Ce qui signifie que les ouvriers de l'industrie et de l'agriculture qui constituent à peu près le tiers de la population française ne fournissent que 2,8 % des étudiants des facultés et des grandes écoles. En d'autres termes, le recrutement de l'élite intellectuelle ne se fait que fort peu dans les milieux des modestes salariés.

Certes, un peu partout des efforts remarquables sont faits, en particulier dans le canton de Genève, en vue de faciliter l'accès de l'Université à des étudiants des classes modestes. Des institutions, privées ou officielles, ont multiplié les bourses, non pas seulement en faveur de nos nationaux, mais aussi des étrangers. Notre budget cantonal est très généreux dans leur octroi. Les étudiants eux-mêmes, avec un sens très vif de la solidarité, s'imposent chaque semestre, par une décision qu'ils ont prise librement et qui les honore, un sacrifice en faveur de leurs camarades les moins bien partagés. L'Office d'entraide et la Caisse de subsides rendent d'inappréciables services. De plus, l'exemption des taxes d'inscription est très largement octroyée. Tout un réseau d'institutions s'est développé dont la valeur ne saurait être estimée trop haut.

Mais cependant qui oserait affirmer qu'il existe une véritable égalité entre tous les jeunes que leurs aspirations orientent vers les études supérieures?

Cette situation explique certains courants qui se développent dans quelques milieux des grandes écoles françaises, tendant à modifier la notion même d'étudiant. On voudrait le considérer comme un travailleur ordinaire, ayant droit à un salaire que l'Etat lui octroierait, «l'allocation d'études». Son versement —auquel chacun aurait droit, quelle que soit son origine sociale — serait subordonné à la réussite des études, contrôlées régulièrement.

A dire le vrai, une modification si radicale de la structure universitaire paraît encore une chimère. Probablement n'est-elle pas désirable car elle conduirait à une étatisation, à une fonctionnarisation de la vie universitaire avec tous les risques que cela comporte. Un tel système rencontre en France même beaucoup de scepticisme et de résistances dictés non pas seulement

par des préoccupations financières, mais encore par des oppositions de principe.

De telles revendications ne doivent pas nous faire perdre de vue cependant les ajustements compatibles avec les réalités et les possibilités actuelles, en particulier la multiplication des bourses et des exemptions de taxes.

En attendant, beaucoup d'étudiants, aux prises avec les impérieuses nécessités de la vie, cherchent à se procurer les ressources nécessaires à leurs études. On ne saurait trop insister sur les services que rend l'Office du travail rémunéré. Sans doute le président de l'Association générale nous donnera-t-il tout à l'heure quelques renseignements à ce sujet. Retenons cependant un exemple de ses récentes activités: au moment du salon genevois de l'automobile, l'Office a adressé à tous les exposants une circulaire, appuyée par une recommandation du recteur. Des étudiants ont été engagés, occupés aux besognes les plus diverses. Toutes n'étaient pas du domaine intellectuel. Mais qu'importe. Fort heureusement, bien des préjugés, bien des préventions sont tombés au cours de ces dernières années.

Il n'est pas encore possible de donner des indications précises au sujet du nombre de nos étudiants qui assument partiellement ou en totalité leur entretien. En revanche certains renseignements nous sont fournis par d'autres pays. Au début de cette année, en Allemagne occidentale, 31 % des étudiants et 51 % des étudiantes étaient entretenu s complètement par leurs parents. Tous les autres, c'est-à-dire la majorité, devaient subvenir en partie ou complètement à leurs besoins. A Hambourg et à Cologne, 50% des étudiants travaillent à des besognes rémunérées et 60% à Francfort. Leur nombre a quadruplé ou quintuplé depuis 1927-1928. Pour l'ensemble de l'Allemagne occidentale, le tiers seulement des étudiants peuvent mettre à profit leurs vacances pour leur repos ou la préparation de leurs examens. Les autres sont voués aux besognes lucratives les plus diverses.

En France, la situation est un peu moins mauvaise. Cependant le tiers des étudiants partagent leur temps entre leur préparation intellectuelle et un métier rétribué. Et l'on sait qu'aux Etats-Unis cette tradition est fort répandue et très ancienne.

Il est donc bien passé le temps où les étudiants étaient considérés comme des «fils à papa», prolongeant leur vie universitaire au gré de leur fantaisie. Rares sont ceux qui, aujourd'hui,

peuvent mener ce que l'on appelait autrefois «la vie d'étudiant».

Après tout, faut-il le regretter? Ce n'est pas sûr. Ceux qui ont conquis leurs grades de haute lutte, à force d'énergie et de privations, seront sans doute armés pour la vie. Quant à leurs camarades libres de ces soucis, ils savent combien grand est leur privilège: sans doute cela explique-t-il qu'ils désirent collaborer de toutes leurs forces aux oeuvres de solidarité et d'entraide universitaires.

Ces aspects de la vie académique expliquent l'importance que prend partout le problème des restaurants et des cités universitaires.

Certes notre restaurant de la rue de Saussure — si bien géré par le Département social romand et par M. Dupraz à qui je tiens à dire les sentiments de gratitude de l'Université — rend-il d'immenses services. En hiver, c'est environ 600 repas qu'il sert chaque jour. De plus en plus il se révèle trop étroit. Mais son agrandissement dans l'immeuble qu'il occupe, apparaît impossible. Le temps est proche où d'autres solutions devront être cherchées.

Quant à la Maison internationale des étudiants et au Foyer des étudiantes que dirigent avec des soins si attentifs et avec tant d'intelligent dévouement Mlle Balmer et Mme Champ-Renaud à qui j'exprime toute la reconnaissance de notre Alma mater, ils nous apportent un appui dont nous ne pourrions pas nous passer. Ils sont hélas! limités dans leurs possibilités par le trop petit nombre de chambres dont ils disposent. Quelles que soient d'ailleurs les réalisations de l'avenir, ces deux institutions devront certainement continuer leur oeuvre féconde. Mais dans une école aussi cosmopolite que la nôtre, le besoin se fait sentir de plus en plus impérieusement d'une cité universitaire ou au moins d'une vaste maison des étudiants.

Nous avons annoncé l'année dernière que l'Association des anciens étudiants, sous la vigoureuse impulsion de son président, M. le professeur Jean Baumann, s'occupait de sa réalisation. Depuis lors, des progrès considérables ont été accomplis. Une commission que préside M. Hermann Blanc, secrétaire de l'Université, a achevé les travaux préparatoires. Dans quelques jours, l'Association des anciens étudiants pourra annoncer la création de la Fondation pour la cité universitaire. Indépendante de l'Etat et de l'Université, elle pourra agir en pleine liberté. Une campagne sera entreprise en vue de réunir les

fonds nécessaires. Certains même sont déjà assurés. Comme de son côté l'Association chrétienne des étudiants, guidée par ses aumôniers, MM. les pasteurs Biéler et Gilliéron, a projeté de construire un centre pouvant accueillir un certain nombre d'hôtes, un plan est étudié qui permettrait à cette maison d'être la première cellule de notre future cité universitaire et un des centres de sa vie spirituelle.

Naturellement, de telles réalisations nécessitent un terrain suffisant. L'Université s'est adressée à l'Etat qui, grâce à la sage prévoyance de ses autorités, est un grand propriétaire foncier. Elle a rencontré comme toujours un accueil très bienveillant auprès de M. le Conseiller d'Etat Louis Casaï et de nos autorités exécutives. Une décision de principe vient d'être prise par le Conseil d'Etat dans sa séance du 28 mai 1954: la place nécessaire à notre maison des étudiants est réservée au Vieux Champel, propriété de l'Etat. Dès que les projets seront mis au point par la Fondation, l'emplacement définitif et les dimensions exactes du terrain seront fixés sur les vastes espaces de la propriété Claparède où doivent être aussi édifiés divers bâtiments de la Faculté de médecine. L'implantation des édifices pourra se concilier avec la conservation de la belle avenue de marronniers qui est une des parures de Genève.

Quelle merveilleuse impulsion l'octroi définitif de ce terrain à la Fondation pour la cité universitaire ne va-t-il pas donner à une oeuvre dont on peut — sans excès d'optimisme — considérer la réalisation comme prochaine? Ce sera du même coup un bel exemple de ce que peut l'initiative individuelle conjuguée avec l'appui éclairé de l'Etat. N'est-ce pas d'ailleurs une des belles traditions de notre République?

Actuellement, bien rares sont les universités étrangères qui ne possèdent pas une cité des étudiants. Nous ne pensons pas seulement à l'Amérique dont le système, si différent du nôtre, implique l'existence, dans un vaste campus, de tout ce qui est nécessaire à la vie intellectuelle, matérielle et même sportive des étudiants. Mais aussi à ces écoles de notre vieux continent —même les plus modestes — ayant la même structure que la nôtre, qui accueillent leurs étudiants dans des demeures presque toujours remarquablement organisées. Genève trahirait sa vocation si elle était la dernière à entrer dans cette voie. Une telle cité universitaire ne manquerait pas de donner encore plus de cohérence, plus d'élan, à notre vie académique.

En attendant, c'est merveille que cette cohérence n'ait jamais été sérieusement compromise. Le climat spirituel de Genève y est pour quelque chose. Qu'on songe à la bigarrure de notre Alma mater: toutes les nationalités, toutes les races — au sens exact du terme — toutes les religions, toutes les idéologies politiques, économiques et sociales, toutes les langues y sont représentées. Cette diversité s'extériorise même parfois, fort heureusement, jusque dans la tenue vestimentaire.

En vérité, notre Université est une merveilleux microcosme: c'est, dans un certain sens, un peu l'image du monde d'aujourd'hui. Et cela pourrait comporter, si l'on pense à ce qu'est ce monde, des difficultés.

Or, par nu accord tacite et au cours de ces dernières années très loyalement observé, la vie s'y organise, sereine, permettant à chacun de tirer le meilleur parti de son passage dans nos facultés. Les étudiants ont su mériter la confiance que les autorités universitaires leur ont accordée, la grande liberté qu'elles leur ont consentie. C'est à peine si de rares et minimes incidents ont marqué notre vie académique: quelques rides légères qui ont à peine troublé la surface d'une eau limpide.

Un tel spectacle, si l'on y songe, n'est-il pas dans notre société contemporaine, si profondément bouleversée et menacée, un élément rassurant?

L'internationalisme — ce phénomène de notre temps que contredisent l'exaltation des nationalismes et l'exaspération des idéologies — marque notre vie universitaire d'un autre caractère, accentué encore par la multiplication et la rapidité des moyens de transport et une vraie frénésie de voyages. Jamais les étudiants et les professeurs du début de ce siècle n'auraient osé rêver aux déplacements qui sont courants aujourd'hui.

Ainsi d'innombrables contacts se nouent entre les universités de tous les pays. Des visites, des conférences s'organisent qui permettent de connaître d'autres conceptions administratives, d'autres installations matérielles, de voir ce que sont les auditoires, les bibliothèques, les cliniques, les laboratoires sous d'autres cieux. Elles facilitent surtout la confrontation des méthodes de travail, des conceptions intellectuelles, des objectifs et des résultats des recherches scientifiques.

Qu'on songe en particulier à l'enrichissement qu'apportent

aux étudiants les séjours qu'ils ont faits dans les universités étrangères. C'est la découverte de nouveaux horizons, d'une vie spirituelle et intellectuelle originale. C'est la connaissance d'autres peuples, d'autres mentalités, d'autres conceptions sociales. D'autres langues aussi. Sans compter que peuvent naître des relations humaines infiniment précieuses. L'UNESCO vient d'annoncer que 107.000 étudiants font leurs études hors de leur patrie, fréquentant 2014 universités réparties dans 70 pays.

En somme, les universités d'aujourd'hui s'incorporent à une des plus belles traditions des écoles du moyen âge, tradition qui avait contribué à susciter cet internationalisme intellectuel, origine du rapprochement des élites européennes médiévales. Puissions-nous, «renouant la chaîne des temps», travailler nous aussi, dans notre inonde bouleversé, à la conquête d'un nouvel équilibre.

Bien sûr: ces échanges entre universités, ce tour d'Europe ou d'Amérique qu'entreprennent nos étudiants, entraînent-ils des frais considérables que beaucoup de familles ne peuvent pas assumer. Mais, dans ce domaine aussi, bien des facilités peuvent être consenties. Les bourses d'échanges se multiplient. Nous en accordons à des étudiants étrangers alors que, comme contrepartie, beaucoup des nôtres sont les hôtes d'universités européennes ou américaines.

Ces bourses sont si nombreuses, si diverses, qu'il est difficile de les connaître toutes. Aussi l'UNESCO vient-elle de publier un Répertoire international des bourses et échanges pour l'année 1954/55. C'est un volume de 711 pages qui énumère 45.000 bourses d'études des types les plus divers, offertes par une centaine de pays. Les étudiants auraient intérêt à consulter ce volume.

Il est vrai que, si nous nous référons à nos propres expériences, leur curiosité ne va pas très loin dans ce sens. Un exemple récent nous le prouvera. Parmi les nombreuses bourses que possède notre université, il en est une qui est à la disposition des étudiantes. Toutes peuvent s'inscrire, sans présenter de mémoire, sans concours, sans formalité. Les autorités universitaires procèdent au choix de la bénéficiaire ou des bénéficiaires parmi les postulantes. Or ce choix a été hier, hélas! d'une extrême simplicité. Une seule candidate s'est inscrite. Elle a triomphé sans peine. Elle pourra faire un stage d'études en Angleterre.

Que de possibilités, que de richesses restent ainsi inemployées. Est-il si difficile de lire les avis placardés sur les murs de nos bâtiments ou imprimés dans nos programmes?

Cette année universitaire, comme la précédente, a apporté bien des perturbations dans la vie des étudiants. Depuis bientôt dix-huit mois notre bâtiment des Bastions est un véritable chantier livré aux entrepreneurs et aux ouvriers. Bientôt nonagénaire, il ne manque pas, dans l'harmonie de ses proportions et la simplicité de ses lignes extérieures, d'une certaine grandeur. La première pierre de l'édifice a été posée le 31 octobre 1868 et l'acte qui a enregistré cette cérémonie rappelle que «ces bâtiments, élevés à une époque de paix et de liberté pour notre patrie,... sont destinés à développer et à répandre parmi les générations suivantes le goût des lettres et des sciences».

Il faut bien convenir que notre Université nécessitait d'importants remaniements intérieurs. Elle ne correspondait plus aux nécessités (le notre temps.

Déjà l'aula a été reconstruite et inaugurée en 1944. Puis le départ de l'Institut de physique, dorénavant logé dans son magnifique palais des bords de l'Arve, a été l'occasion d'importants travaux. De nouvelles salles ont été aménagées selon les conceptions les plus modernes. Quelques-unes sont très vastes. Les anciennes ont été rénovées. Les services administratifs, jusqu'ici dispersés, ont été groupés et réorganisés conformément aux exigences actuelles. Le chauffage a été totalement reconstruit. Une salle du sénat, plus vaste que l'ancienne, d'une grande simplicité et d'une réelle beauté de lignes, a été édifiée.

Jusqu'à présent, les étudiants ne disposaient d'aucune salle où ils puissent se réunir entre les cours et se sentir chez eux. Un vaste foyer leur a été aménagé, selon les désirs qu'ils ont exprimés. Résolument moderne, voire audacieux, il permettra, grâce à d'ingénieux dispositifs, d'abriter des expositions d'art qui se succéderont tout au long de l'année. La première est en place. Elle présente quelques beaux spécimens de l'admirable collection d'estampes japonaises que Mme Emilia Cuchet-Albaret a donnée à l'Université. Le bar, évacuant enfin le hall d'entrée qu'il encombrait, occupe une partie de ce foyer.

Tous ces travaux ont été conçus et dirigés par M. Ernest Martin, architecte, à qui l'Université tient à redire son entière

satisfaction et tous ses remerciements. Il a admirablement compris nos besoins; il a trouvé les solutions les meilleures aux problèmes ardus qui se posaient à lui. Sa tâche n'était pas facile puisqu'il fallait adapter les exigences actuelles à un cadre rigide, couler de nouvelles formes dans un vieux moule. Nous considérons cette transformation comme une véritable réussite.

M. Ernest Martin a trouvé en M. Henri Mozer, ensemblier, un excellent collaborateur: c'est lui qui a présidé à l'agencement et à l'ameublement de la salle du sénat, du foyer des étudiants, des services administratifs et du cabinet du recteur. Il l'a fait avec un goût parfait et un discret modernisme. Quant à M. Eric Poney, il a déjà conçu les cartons prometteurs de la décoration de la salle du sénat. M. Ferrier collabore avec lui. Ils seront exécutés cet été et nous nous réjouissons de les voir réalisés.

Nous n'oublions pas les services signalés qu'ont rendus à l'Université, au cours de ces travaux, M. Lacôte, architecte cantonal, son collaborateur, M. Ardin, et le personnel du Département des travaux publics.

L'Université désire remercier aussi les entrepreneurs, les maîtres d'état et tous leurs ouvriers. Nous leur sommes reconnaissants d'avoir su procéder avec discrétion à d'importants travaux sans trop gêner la vie académique qui se poursuivait à son rythme normal au milieu de leurs chantiers.

Ces transformations vont être suivies d'autres. Grâce à M. le Conseiller d'Etat Louis Casaï, les crédits nécessaires à deux nouvelles et importantes étapes sont incorporés au projet du budget de 1955 que le Conseil d'Etat va soumettre au Grand Conseil à la fin de cette année. Les laboratoires de zoologie du sous-sol de l'Université dans lesquels M. Guyénot, ses collaborateurs et ses étudiants travaillent dans des conditions abominables d'inconfort — j'emploie un terme euphémique seront complètement rénovés.

Le déplacement de l'Herbier Boissier sera aussi exécuté. A la suite d'échanges de propriétés entre le Canton et la Ville, cette dernière, à qui appartient l'Herbier Boissier, est entrée en possession de la villa du Chêne, en face de la Console qui abrite déjà l'Herbier Delessert. Elle aménagera cette maison pour y recevoir les innombrables dossiers qui vont quitter l'Université. Ainsi toutes nos collections botaniques — elles sont d'une incomparable richesse — et notre jardin des plantes seront réunis: les recherches dans le domaine de la systématique en seront singulièrement facilitées.

Du même coup le départ de l'Herbier Boissier mettra à la disposition des facultés des sciences morales un grand espace où pourront être construits en particulier des salles de cours et de conférences, des bibliothèques spéciales, des cabinets pour les doyens de certaines facultés et des locaux pour les services de l'A.G.E.

Le problème du logement d'un concierge dans le bâtiment des Bastions pourra être en même temps résolu. Ainsi prendra fin cette période de plusieurs dizaines d'années au cours de laquelle cet édifice, avec toutes les richesses scientifiques qu'il contient, abandonné pendant une partie de la journée et pendant toute la nuit, a couru les risques les plus divers et les plus graves. Tels sont les travaux qui seront exécutés à partir de 1955 si, comme cela est certain, le Grand Conseil, qui a déjà donné tant de preuves de sa compréhension des besoins de l'Université, accepte les demandes de crédit faites par le Conseil d'Etat.

Mais ce n'est pas tout. L'Université ne sera vraiment à l'aise, étant donné l'augmentation du nombre des étudiants et la diversification des connaissances, donc des branches d'enseignement —j'ai traité cette question l'année dernière et je ne veux pas y revenir — que si elle petit disposer du bâtiment voisin qui fait vraiment corps avec elle: le musée d'histoire naturelle. Certes, nous le savons bien, ce problème est complexe puisque sa solution présuppose le rachat d'un bâtiment municipal par la canton et sa reconstruction par la Ville sur des terrains qu'elle a achetés à cet effet et selon des plans déjà adoptés. Ainsi seraient mises en valeur d'admirables collections qui, faute de place, dorment dans des caves ou des greniers, enfermées dans des caisses. A tous les points de vue ces opérations seraient riches en résultats.

Nous avons d'ailleurs entièrement confiance dans les autorités du Canton comme de la Ville. Nous sommes heureux de le dire à M. le Conseiller administratif Billy, vice-président du Conseil administratif en le priant d'être notre interprète auprès de ses collègues. Le temps des réalisations sans doute approche. Nous voulons en noter un signe avant-coureur: le Département des travaux publics a ordonné une expertise du musée pour en fixer la valeur. Nous osons espérer — sommes-nous trop optimiste? — que c'est un premier pas vers la rapide exécution que tous appellent de leurs voeux.

Devant de telles réalisations et de telles espérances, comment l'Université pourrait-elle rester insensible? Elle se sent pressée

d'exprimer ses sentiments de gratitude. Gratitude. d'abord envers le Conseil d'Etat et envers M. le Conseiller d'Etat Albert Picot qui ont toujours si bien compris ses besoins. Gratitude aussi envers le Grand Conseil, qui a voté les crédits que nécessitent notre expansion et un succès qui se mesure en particulier par l'augmentation du nombre de nos étudiants. Et puisque l'Université a le privilège de compter parmi ses hôtes d'aujourd'hui M. Charles Duboule, Président du Conseil d'Etat et M. Edmond Ganter, Président du Grand Conseil, elle les prie de bien vouloir transmettre à nos hautes autorités cantonales, les chaleureux remerciements de l'Alma mater.

Mais l'Université désire dire aujourd'hui d'une façon toute particulière sa reconnaissance au chef du Département des travaux publics, M. le Conseiller d'Etat Louis Casaï. Avec une patience inlassable, avec une compréhension profonde des besoins de l'Université, il a étudié nos problèmes. Il a reconnu le bienfondé de nos demandes et il a tout mis en oeuvre pour les satisfaire, dans les limites bien sûr des possibilités budgétaires et en magistrat soucieux d'employer à bon escient les deniers de l'Etat. L'Université sait tout ce qu'elle doit à M. le Conseiller d'Etat Louis Casaï dans la reconstruction de cette magnifique aula, dans l'édification du nouvel Institut de physique qui reste un objet d'admiration pour tous ceux qui le visitent, dans les heureuses transformations enfin dont elle vient d'être la bénéficiaire. Elle sait ce qu'elle lui doit aussi dans la prochaine construction de la cité universitaire, dans la préparation enfin des étapes de demain et d'après-demain.

La cérémonie de ce jour aurait voulu être une manière d'inauguration. Il est facile de suivre un cérémonial traditionnel lorsqu'un bâtiment nouveau vient d'être achevé. Il est plus difficile de le faire lorsqu'il s'agit de remaniements internes, dispersés dans un vaste édifice. Nous avons dû y renoncer.

Cependant, tout à l'heure, nos invités feront le tour de nus salles de cours et de conférences, (le flOS services administratifs, du foyer des étudiants, de la salle du sénat. En se rappelant par un effort peut-être difficile d'imagination ce qu'étaient hier encore nos locaux, ils se rendront compte de l'oeuvre qui a été réalisée. Et ils comprendront les sentiments que nous exprimons à M. le Conseiller Casaï, à M. le Conseiller Picot, au Conseil d'Etat, ait Grand Conseil et au peuple de Genève.

Grâce à ce renouvellement et à ce perfectionnement constants de ses installations matérielles, l'Université est toujours mieux à même de faire face à ses tâches intellectuelles. Si l'on voulait schématiser en les simplifiant ses fonctions essentielles, on pourrait les ramener à trois.

Elle donne aux étudiants les éléments de leur future carrière pratique: en ce sens, elle est une école professionnelle supérieure. Mais en même temps elle dispense cette culture générale grâce à laquelle tout intellectuel se distingue de ceux dont la formation a été purement empirique. Je ne reviens pas sur les rapports de ces deux obligations, sur la difficulté de les accorder, sur la nécessité et les dangers à la fois de la spécialisation. Ce sont là des questions que j'ai eu déjà l'occasion d'exposer.

Mais l'Université a une troisième fonction: celle de la recherche scientifique. Bien sûr! les grands états aux moyens financiers puissants, ont-ils créé (les instituts spéciaux voués exclusivement à cette tâche. Ceux qui y travaillent, libérés de toute autre obligation, ne sont pas grevés de cette lourde hypothèque que peut représenter un enseignement souvent très astreignant, surtout dans les universités les plus modestes.

Il est vrai que le travail dans ces instituts officiels de recherche pourrait devenir un jour une véritable servitude dans la mesure où ce ne serait pas tant au progrès de la connaissance que l'on songerait qu'aux applications de la science à la guerre. Divers incidents pourraient susciter quelques craintes à ce sujet.

Quoi qu'il en soit, dans notre pays, la recherche scientifique reste dans une très large mesure liée aux universités. Et c'est tant mieux. A voir le rôle que nos facultés et nos instituts jouent, aussi bien dans le secteur des lettres, des disciplines morales, politiques et économiques que dans celui des sciences et de la médecine, on peut admettre que ce système que nous impose la modestie même de nos moyens matériels, conduit en définitive à de très heureux résultats.

D'ailleurs notre Fonds national pour la recherche scientifique, si bien adapté à notre fédéralisme et à la décentralisation de notre vie intellectuelle, est en passe de développer tous ses effets. Il facilite déjà singulièrement — et son action ne pourra que se préciser — dans les domaines les plus divers, la tâche de nos savants et de nos penseurs. Puissent nos autorités fédérales ne pas lui mesurer trop parcimonieusement leur appui financier. N'y a-t-il pas droit autant — et peut-être plus — que

ces multiples institutions qu'arrosent et fertilisent les abondantes et généreuses subventions fédérales?

L'Université de Genève, soutenue par une volonté tenace et constante de s'adapter à des exigences sans cesse nouvelles, s'efforce de remplir sa triple fonction. Elle espère ainsi mériter la confiance que le peuple et les autorités de Genève lui accordent si généreusement et accomplir la grande tâche qui lui est dévolue: préparer les générations montantes à leurs devoirs de demain.